Bataille navale chez KawasakiSavez-vous comment dit-on «Coup d’Etat» en japonais? Réponse: «kudeta». L’emprunt au Français en dit long sur le côté exotique que peut revêtir cette forme de prise du pouvoir au pays du Soleil-Levant. C’est pourtant ce qui vient de se passer au sommet du conglomérat Kawasaki Heavy Industrie. «Kudeta», titrait vendredi 14 juin la presse nippone pour commenter le limogeage des trois principaux dirigeant de l’entreprise.
La gouvernance des entreprises japonaises réserve décidément des surprises. On croyait avoir tout vu en 2011 avec Olympus. Le conseil d’administration du fabricant d’appareils photo avait remercié le PDG de l’entreprise parce qu’il avait eu le mauvais goût de se montrer trop curieux sur les conditions de rachat de plusieurs filiales. Ces opérations n’avaient en fait qu’un but: maquiller des pertes enregistrées dans les années 1990, suite à des investissements financiers hasardeux.
Kawasaki vient de ternir un peu plus la réputation de la place financière japonaise. Le PDG du conglomérat, Satoshi Hasegawa et deux de ses adjoints ont été licenciés pour n’avoir pas tenu au courant le conseil d’administration d’un projet de fusion de ses activités de chantiers navals avec l’un de ses principaux concurrents, Mitsui Engineering & Shipbuilding. Le 22 avril, les trois dirigeants avaient été jusqu’à démentir l’information auprès du Tokyo Stock Exchange, alors que l’opération commençait à fuiter.
Il aura fallu près de deux mois au conseil pour découvrir le pot aux roses, le conduisant, jeudi 13 juin, à modifier légèrement sa communication auprès de la Bourse japonaise. La phrase selon laquelle le projet de fusion «n’est pas vrai», datant du 22 avril, a été remplacée par: «il y a des négociations, mais rien n’a été décidé». Juste un détail. L’affaire est d’autant plus grave, qu’il ne s’agit pas d’une petite opération. La fusion aurait donné naissance à un géant de la construction navale d’un chiffre d’affaires de 13,5 milliards d’euros. Comment les trois quarts d’un conseil d’administration ont-ils pu être tenus à l’écart d’une telle décision? «J’ai du mal à comprendre comment cela a pu arriver», s’est aussi demandé le président de la fédération patronale du secteur, Yasuchika Hasegawa.
Shigeru Murayama, un autre directeur général adjoint, nommé PDG dans l’urgence, était visiblement lui aussi à court d’argument pour expliquer la situation. Il a simplement évoqué un climat de
«défiance» pour justifier l’éviction de son prédécesseur. C’est ce qui s’appelle peser ses mots.
Tout ce petit monde va devoir rendre des comptes à l’assemblée générale des actionnaires, le 26 juin. Consciente de la nécessité d’une consolidation du secteur de la construction navale japonaise, la nouvelle direction n’a pas abandonné l’idée d’une fusion avec un concurrent, mais elle a proposé de repartir d’une page blanche. On n’en attendait pas moins.